
Photo : Josh Hild @pexels.com
Notre humeur, notre motivation, notre capacité à ressentir le plaisir ou à gérer le stress sont intimement liées à des molécules chimiques : les neurotransmetteurs. Véritables messagers de notre cerveau, ils influencent profondément notre état mental et physique.
Saviez-vous que le yoga, bien au-delà de la simple activité physique, peut agir comme un puissant modulateur de ces substances essentielles ?
Comprendre les acteurs clés : Les neurotransmetteurs
Les neurotransmetteurs sont des molécules informationnelles synthétisées et stockées dans les neurones, puis libérées dans la fente synaptique pour communiquer avec d’autres neurones. Leur équilibre est crucial pour notre bien-être. Voici quelques-uns des principaux et leur impact sur notre humeur :
- Dopamine : Le « Starter » de la Joie et de la Motivation La dopamine est un neuromodulateur fondamental pour la motivation, l’initiative, la vigilance, l’apprentissage et la recherche du plaisir. C’est elle qui est responsable de la sensation agréable et qui nous pousse à l’action. Un manque de dopamine peut entraîner fatigue, apathie et une diminution des projets et des envies. Sa synthèse se fait à partir de la tyrosine, un acide aminé que l’on trouve dans les protéines alimentaires. La dopamine favorise également la connexion entre le noyau accumbens, l’hippocampe et l’amygdale, des structures clés du système limbique impliquées dans les émotions et la mémoire. Des déséquilibres, comme un excès de dopamine, peuvent être associés à des troubles tels que la schizophrénie ou les troubles bipolaires, tandis qu’une dopamine équilibrée maintient la motivation et favorise l’apprentissage, permettant de ressentir des émotions et de tomber amoureux.
- Sérotonine : La Sérénité et le Lâcher-Prise Souvent appelée le « grand inhibiteur », la sérotonine est le neurotransmetteur de la sérénité, du bien-être et du lâcher-prise. Elle joue un rôle dans l’appétit, la coagulation, le sommeil et la sensibilité à la douleur. Des taux bas de sérotonine peuvent conduire à des comportements impulsifs, de l’irritabilité et des compulsions (notamment sucrées ou grasses en fin de journée), ainsi que des difficultés d’endormissement, car elle est un précurseur de la mélatonine, l’hormone du sommeil. À l’inverse, des taux élevés favorisent le calme et la réflexion. 90% de la sérotonine est synthétisée dans l’intestin. Sa production, qui a lieu principalement en fin de journée (vers 17h-18h), dépend du tryptophane, un acide aminé essentiel. Le stress (cortisol) et l’inflammation peuvent diminuer la concentration de tryptophane disponible, le détournant vers d’autres voies et pouvant entraîner anxiété et nervosité.
- Acétylcholine (AC) : Mémoire et Éveil L’acétylcholine est un messager de la mémoire, de l’éveil et de l’attention. Elle est également impliquée dans la colère, l’agressivité et la soif. L’acétylcholine est le neurotransmetteur du nerf vague et joue un rôle anti-inflammatoire en inhibant la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires.
- Noradrénaline et Adrénaline : La Réponse au Stress Ces catécholamines stimulantes font partie du circuit de la récompense et sont libérées en cas de peur ou de stress. Elles préparent le corps à l’action (« fuir, se battre ou sidération ») en augmentant la fréquence cardiaque, la respiration, la pâleur et la sudation.
- GABA : Le Relaxant Cérébral Le GABA (Gamma Amino-Butyrique) est le neurotransmetteur « relaxant » le plus répandu dans le cerveau. Il évite l’emballement, gère la vitesse et le rythme des transmissions neuronales, et joue un rôle dans le contrôle de l’anxiété, favorisant le calme et la relaxation. Le yoga a été démontré pour augmenter les niveaux de GABA dans le cerveau de 27% lors d’une séance.
- Glutamate : L’Accélérateur de l’Apprentissage Le glutamate est le neurotransmetteur excitateur « majeur » du cerveau, facilitant et accélérant la communication des cellules nerveuses. Il est essentiel pour l’apprentissage, la mémoire et la neuroplasticité. C’est aussi un précurseur du GABA, soulignant l’équilibre nécessaire entre ces deux neurotransmetteurs.
- Endorphines et Enképhalines : Les Anti-Douleurs Naturels Les endorphines et les enképhalines sont des opioïdes endogènes libérés par l’exercice physique, procurant des sensations agréables et modulant la douleur. La tristesse, par exemple, correspond chimiquement à une diminution des enképhalines amygdaliennes.
Le rôle du Yoga dans la modulation de l’humeur
Le yoga, grâce à ses différentes pratiques, influence ces neurotransmetteurs et modules l’humeur par plusieurs mécanismes:
- Les Postures (Asanas) : La mise en mouvement du corps par les postures stimule la sécrétion de dopamine, d’endorphines et de sérotonine, procurant une sensation agréable et renforçant la confiance. Cela crée un « renforcement positif » qui encourage la personne à recommencer, brisant ainsi les cercles vicieux. Les postures aident à éloigner les préoccupations de l’esprit en les ramenant au corps, et à reconnaître l’expression corporelle des émotions sans se laisser submerger, cultivant la distanciation et l’équanimité.
- Les Respirations (Pranayama) : Le contrôle du souffle est un puissant outil pour équilibrer le système nerveux autonome (SNA), favorisant le système parasympathique (repos et digestion) et apaisant le système sympathique (action).
- Techniques spécifiques : La respiration alternée (Nadi Sodhana Pranayama) réduit spontanément le débit d’air, allongeant l’inspiration et l’expiration, et induisant une tranquillité propice à la méditation. Le souffle victorieux (Ujjayi) et le nettoyage du crâne (Kapalabhati) sont d’autres techniques qui impactent l’équilibre du SNA et la réduction du stress.
- Effets physiologiques : Le pranayama diminue le stress (réduction du cortisol), abaisse la pression artérielle, améliore l’utilisation de l’oxygène par les cellules et réduit les radicaux libres (stress oxydatif). Il peut également moduler les émotions.
- La Méditation et la Relaxation : Ces pratiques augmentent l’intéroception (perception des sensations internes du corps) et l’activité du cortex préfrontal gauche, ce qui améliore l’humeur et le sentiment de joie. Elles favorisent des états de conscience caractérisés par les ondes alpha (détente consciente) et thêta (Yoga Nidra, créativité, intuition), et même delta (sommeil profond, relaxation très profonde). La méditation permet d’observer les pensées, de cultiver la patience et de renforcer la confiance en soi. Elle augmente le tonus vagal (parasympathique) et module la sécrétion de dopamine, endorphines, sérotonine et ocytocine.
- Les Bandhas : Ces contractions musculaires volontaires (Jalandhara à la gorge, Uddiyana à l’abdomen, Mula au périnée), associées aux suspensions de souffle, ont un effet de détente en diminuant la fréquence cardiaque et en stimulant le système parasympathique, notamment le nerf vague.
- Neuroplasticité et Facteur de Croissance Nerveuse (NGF) : Les pratiques de yoga, même brèves (20 minutes), peuvent augmenter significativement le NGF, une protéine essentielle à la survie et au développement des cellules nerveuses, et qui joue un rôle crucial dans la neuroplasticité et la capacité d’apprentissage.
L’indispensable soutien de l’alimentation
Pour que notre corps puisse synthétiser efficacement ces neurotransmetteurs, une alimentation équilibrée est primordiale, car elle fournit les précurseurs nécessaires.
- Assurer un apport suffisant en protéines pour la tyrosine (précurseur de la dopamine) et le tryptophane (précurseur de la sérotonine).
- Consommer des acides gras essentiels comme les Oméga-3, qui assurent la fluidité et la déformabilité des membranes cellulaires, indispensables à la communication neuronale. Le stress oxydatif, cependant, peut oxyder ces lipides, rendant les Oméga-3 inutilisables.
- Veiller à un apport adéquat en magnésium, crucial pour la synthèse de la mélatonine et pour rompre le cercle vicieux du stress, dont la carence est courante.
- Intégrer des polyphénols et antioxydants pour se protéger du stress oxydatif, phénomène délétère pour la santé et impliqué dans de nombreuses pathologies chroniques.
Le yoga thérapeutique offre une approche holistique et intégrative pour moduler l’humeur et favoriser un équilibre neurologique optimal. En agissant sur le corps (postures), le souffle (pranayama) et l’esprit (méditation, relaxation), le yoga soutient la production et la régulation des neurotransmetteurs essentiels à notre bien-être mental et émotionnel.
Couplé à une alimentation variée et équilibrée qui fournit les « briques » nécessaires, il permet de renforcer la boucle continue « corps-esprit », cultivant ainsi une meilleure capacité à percevoir la joie et à gérer les perceptions du spectre émotionnel. C’est un chemin vers une conscience accrue et une harmonie intérieure durable.
« Le yoga thérapeutique accompagne et soutient les processus de santé, en complément des traitements médicaux, sans jamais les remplacer. »
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