La symphonie des sens


Photo de Polina @pexels.com

La Proprioception : Le Sens de Soi en Mouvement et Ancrage
La proprioception est notre sensation ou sensibilité profonde, nous informant de la position de notre corps dans l’espace, de son tonus musculaire, de ses déplacements, de son mouvement et de son équilibre. Elle englobe la connaissance de la position des segments de notre corps, l’équilibre, ainsi que l’état de nos tendons, articulations et fascias.
Les fascias, ce réseau tridimensionnel de tissus conjonctifs qui traverse l’intégralité du corps, sont considérés comme un grand organe sensoriel. Ils sont riches en capteurs sensoriels, incluant des nocicepteurs (douleur), des propriocepteurs, des mécanorécepteurs (pression, traction, vibration), des chimiorécepteurs (inflammation), et des thermorécepteurs (chaleur/froid). Le manque d’exercice peut entraîner l’agglutination des fascias.
Dans la pratique du yoga, les postures (asanas) mobilisent activement la proprioception. Les postures debout et les équilibres simples, par les pressions et la proprioception, offrent un socle de résistance et de sécurité au corps. La marche elle-même, un processus complexe nécessitant la quasi-totalité de nos muscles et structures cérébrales, fait appel à cette proprioception fine pour l’équilibre et l’ajustement constant. Les mouvements et étirements doux du yoga sont bénéfiques pour le réseau des fascias, qu’ils stimulent et rééquilibrent.

L’Intéroception : L’Écoute du Monde Intérieur
L’intéroception est la perception des sensations internes de notre corps, telles que les battements du cœur, les mouvements de nos viscères, ou la chaleur. Cette conscience interne est intimement liée à nos humeurs et émotions.
Les pratiques de méditation et de relaxation en yoga augmentent l’intéroception. Elles permettent d’accéder à des états de conscience caractérisés par des ondes cérébrales alpha (détente consciente, rêverie) et thêta (rêve, créativité, intuition, associées au Yoga Nidra). Le pranayama (techniques respiratoires) renforce également l’intéroception. En cultivant cette écoute intérieure, le yoga permet de mieux gérer les perceptions du spectre émotionnel et d’accroître la capacité à percevoir la joie.

La Symphonie des Autres Sens en Yogathérapie
Notre vie est en permanence sensorielle, et chaque perception est une conscience. Le cerveau ne perçoit pas directement le monde extérieur, mais il est informé par nos sensations et perceptions. Il interprète ces informations parcellaires en les mélangeant avec nos expériences antérieures. La yogathérapie utilise tous les sens comme des « portes » pour une écoute multidimensionnelle.

  • La Vue : La vue reçoit des ondes lumineuses. Elle est essentielle au mécanisme de l’équilibre, travaillant en synergie avec l’oreille interne et le système musculaire pour ajuster notre posture.
  • L’Audition : L’ouïe est une mécano-réception. Elle est également cruciale pour l’équilibre, via l’appareil vestibulaire de l’oreille interne, qui détecte les mouvements de la tête et informe le cervelet de la position du corps dans l’espace. En yogathérapie, les sons, musiques et mantras (comme OM ou SO HAM) sont des outils additionnels, considérés comme des vibrations influençant la physiologie et aidant à dépasser les limitations du mental. Le bourdonnement (brahmi), les gargarismes et le chant peuvent provoquer des vibrations qui stimulent le nerf vague.
  • L’Odorat : L’odorat est une chimio-réception. Ses terminaisons nerveuses sont directement connectées à notre rhinencéphale, le « cerveau primitif » lié à l’instinct et à l’intuition. Respirer par le nez, en vivant le frottement de l’air, stimule le système limbique, invitant à une expérience intérieure riche qui engage les consciences tactile, olfactive et sonore. Le bulbe olfactif est une structure cérébrale où de nouveaux neurones sont générés en permanence (neurogenèse), un processus modulé par l’apprentissage et les expériences sensorielles telles que l’odeur et la circulation d’air (reniflement). Le goût et l’odorat fonctionnent en synergie, notamment par la rétro-olfaction.
  • Le Goût : Principal organe de la gustation, la langue est sensible à la fois chimiquement et mécaniquement. Elle transmet les informations via les nerfs faciaux, glosso-pharyngiens, et le nerf vague jusqu’au cerveau.
  • Le Toucher (Tact) : La peau, le plus grand organe du corps, est sensible au toucher, à la pression, à la vibration, à la douleur, à la chaleur et au froid. Le toucher est essentiel au développement et à la survie, étant le premier sens à se développer chez le fœtus. La perception tactile est influencée par le mouvement du corps, impliquant la proprioception. En yogathérapie, le toucher, qu’il soit pratiqué par un tiers ou par auto-massage, peut aider à prendre conscience des zones de tension, à libérer des émotions et à retrouver une connexion avec l’intégralité du corps.
  • La Nociception (Douleur) : C’est le sens de la douleur. Les fascias, présents dans tout le corps, contiennent des nocicepteurs. Le yoga agit sur la « matrice de la douleur » et module la sécrétion de substances algogènes (génératrices de douleur). Il est primordial que la pratique du yoga ne provoque jamais plus de douleur qu’une douleur déjà connue pour un individu.
  • La Thermoception : C’est la capacité à percevoir la chaleur et le froid. Les fascias contiennent des thermorécepteurs.
  • La Somesthésie : C’est la sensibilité globale du corps, englobant la nociception et la proprioception. Elle inclut des sensations de chaleur, douleur, pression, ainsi que la kinesthésie (sens du mouvement), la pallesthésie (sens vibratoire) et la dynamesthésie (sens de la force).
  • La Magnétoception : Ce sens est mentionné comme un résidu chez l’homme.

4. L’Influence du Yoga sur le Cerveau et le Système Nerveux
Le cerveau, avec ses 100 milliards de neurones et un million de milliards de connexions, traite les informations sensorielles, contrôle les mouvements et gère les fonctions cognitives. Il n’est pas passif dans l’analyse des perceptions, mais projette des hypothèses et anticipe, créant une réalité conditionnée par nos expériences et notre culture.
Le yoga, par ses pratiques régulières, peut entraîner le cerveau à une neuroplasticité et neurogenèse accrues, c’est-à-dire sa capacité à se modifier en formant de nouvelles connexions neuronales et à produire de nouveaux neurones. Une étude a montré que seulement 20 minutes de yoga peuvent augmenter le Facteur de Croissance Nerveuse (NGF), une protéine essentielle à la survie et au développement des cellules nerveuses, cruciale pour la neuroplasticité et l’apprentissage.
En yogathérapie, les postures stimulent la sécrétion de neuromédiateurs comme la dopamine (plaisir, motivation), les endorphines, la sérotonine (calme, réflexion) et l’acétylcholine. La respiration yogique (pranayama) est un outil puissant pour équilibrer le système nerveux autonome (SNA), réduisant le stress (diminution du cortisol), la pression artérielle et les radicaux libres. Elle favorise le système parasympathique, notamment via le nerf vague, dont l’acétylcholine joue un rôle anti-inflammatoire en inhibant les cytokines pro-inflammatoires. Des techniques comme la respiration alternée (Anulom Vilom) réduisent le débit d’air et allongent naturellement l’inspiration et l’expiration, induisant une tranquillité propice à la méditation. Le soupir cyclique a montré une réduction du stress et une amélioration de l’humeur.
La méditation et la relaxation augmentent l’intéroception et l’activité du cortex préfrontal gauche, associées à une amélioration de l’humeur et du sentiment de joie. Ces pratiques favorisent des états de conscience caractérisés par les ondes alpha (détente consciente) et thêta (rêve, créativité, intuition). Elles permettent d’observer les pensées sans s’y attacher, de cultiver la patience et de renforcer la confiance en soi.

Conclusion
Le yoga thérapeutique, en invitant à une écoute consciente et raffinée de toutes les sensations corporelles – qu’elles proviennent de la proprioception, de l’intéroception, ou des cinq sens traditionnels et au-delà – offre un chemin pour influencer positivement notre système nerveux, moduler notre perception de la douleur et transformer notre expérience émotionnelle. En agissant sur la neuroplasticité du cerveau, l’équilibre du système nerveux autonome et la sécrétion de neuromédiateurs, le yoga ne se limite pas à soulager les symptômes, il vise à rétablir une harmonie profonde entre le corps et l’esprit. Il nous enseigne à nous « autocajoler » et à nous unir, à « laisser être » les sensations et les émotions, cultivant la distanciation et l’équanimité, pour percevoir et habiter pleinement la joie au quotidien.

Je vous invite à écouter le témoignage de cette coloriste, Nadia Petkovic, teinturière coloriste à Aubusson (23) – « J’ai besoin de ressentir, de comprendre la couleur. »

Fascinants facias

Les Fascias : Un Réseau Méconnu au Cœur de Notre Santé

Les fascias, ces tissus conjonctifs omniprésents dans notre corps, ont longtemps été ignorés et sous-estimés. Pourtant, ils jouent un rôle central dans notre santé et notre bien-être. Pesant environ une vingtaine de kilos chez un adulte, les fascias enveloppent nos muscles, nos tendons et nos organes, soutenant ainsi notre structure corporelle.

Découvertes Récentes et Rôle des Fascias

Les recherches récentes ont révélé que les fascias forment un réseau continu et interconnecté, reliant différentes parties du corps. Par exemple, une inflammation du fascia plantaire peut être traitée en travaillant sur d’autres parties du corps comme les muscles ischio-jambiers ou la nuque. Les fascias sont donc interconnectés et les douleurs peuvent souvent avoir une origine éloignée de leur manifestation.

Les Fascias et le Mal de Dos

Le mal de dos, l’une des affections les plus répandues, pourrait trouver son origine dans les fascias. Des études montrent que les fascias thoraco-lombaires, en particulier, jouent un rôle crucial dans les douleurs dorsales. Des expériences ont démontré que les fascias sont capables de transmettre des forces mécaniques à travers le corps, confirmant ainsi leur interconnectivité.

L’Importance de l’Activité Physique

L’activité physique est essentielle pour maintenir la santé des fascias. L’immobilisation et la sédentarité peuvent entraîner une prolifération des structures conjonctives et une perte fonctionnelle. Des études ont montré que l’étirement et l’activité physique peuvent améliorer la mobilité et réduire les douleurs en stimulant la production de collagène et d’acide hyaluronique, essentiels pour la souplesse et l’hydratation des fascias.

Les Fascias et le Stress

Le stress émotionnel peut également affecter les fascias. Des recherches ont révélé que le stress active le système nerveux sympathique, qui libère des substances provoquant la contraction des vaisseaux sanguins dans les fascias. Cela peut entraîner des douleurs et des tensions, notamment dans le dos. Des thérapies comme l’acupuncture et les étirements peuvent aider à détendre les fascias et à soulager ces douleurs.

Yoga et Fascias

La pratique du yoga est particulièrement bénéfique pour les fascias. En variant les angles des articulations, la vitesse des mouvements et en jouant avec les déséquilibres et les variations dans les postures, on peut stimuler les fascias de manière multidirectionnelle et multidimensionnelle. Il est conseillé d’alterner les styles de yoga régulièrement pour varier les bienfaits de chaque pratique. Par exemple, le Yin Yoga est intéressant pour l’étirement passif des fascias.

Prendre Soin des Fascias

Une alimentation saine et une hydratation suffisante sont cruciales pour la santé des fascias. Les fascias, composés à plus de 68 % d’eau, nécessitent une hydratation adéquate pour rester fluides et dynamiques. Une déshydratation peut altérer leurs qualités élastiques et provoquer des douleurs diffuses et des blessures.

En plus d’une bonne hydratation, quelques séances de thérapies manuelles comme l’ostéopathie, le Rolfing, ou une pratique régulière du yoga permettent aux fascias de se régénérer. Les auto-massages avec un rouleau ou une balle de tennis sont également recommandés pour réduire les adhérences dans les tissus et décongestionner les fascias. Les bains dérivatifs de la méthode France Guillain, qui consistent à rafraîchir les plis inguinaux et le périnée, aident également à drainer les fascias.

Perspectives Thérapeutiques

Les fascias ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement des douleurs chroniques. Des méthodes comme l’acupuncture, la yogathérapie, les étirements et les massages peuvent contribuer à détendre les tissus conjonctifs et à soulager les douleurs.

Conclusion

Les fascias, longtemps négligés, sont désormais reconnus comme un élément clé de notre santé. Leur étude ouvre de nouvelles voies pour comprendre et traiter les douleurs chroniques, notamment le mal de dos. En intégrant des pratiques comme l’activité physique, une alimentation saine, une hydratation suffisante, nous pouvons améliorer notre bien-être et prévenir les douleurs liées aux fascias.

Pour ceux qui pratiquent le yoga, comprendre le rôle des fascias peut enrichir leur pratique. Les postures de yoga, en étirant et en stimulant les fascias, peuvent contribuer à maintenir leur souplesse et leur santé, favorisant ainsi un bien-être global.

Voici une belle illustration sur le sujet :