Le Yoga pour Soulager la Douleur Chronique

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La douleur est une sensation perçue par le cerveau, mais son ressenti est intimement lié à l’équilibre de notre système nerveux autonome (SNA), qui gère les fonctions involontaires du corps. Ce système est divisé en deux branches : le sympathique (action, stress) et le parasympathique (repos, digestion). Un déséquilibre, souvent en faveur du sympathique dû au stress chronique, peut intensifier la perception de la douleur et de l’anxiété.
Les émotions jouent un rôle crucial. La peur, par exemple, déclenche une décharge adrénergique qui prépare le corps à la survie (fuite ou combat), augmentant la fréquence cardiaque et bloquant la respiration. La tristesse, quant à elle, est chimiquement liée à une diminution des enképhalines amygdaliennes, des opioïdes naturels qui modulent la douleur. Le cerveau possède des « circuits de la peur » où l’amygdale est centrale, et le cortex préfrontal aide à réprimer l’aversion et à contrôler consciemment les émotions. Le yoga propose de reconnaître ces expressions corporelles des émotions sans se laisser envahir, cultivant ainsi la distanciation et l’équanimité.

Le yoga thérapeutique utilise une combinaison de postures (asanas), de respirations (pranayama), de méditation et de relaxation, ainsi que des bandhas et l’attention à l’alimentation pour influencer positivement la « matrice de la douleur » et les neurotransmetteurs impliqués.

  1. Les Postures (Asanas) : Mouvement et Ancrage Les postures de yoga agissent localement et globalement. Elles améliorent la souplesse, la mobilité et l’étirement musculo-squelettique, tout en permettant l’auto-massage et l’auto-étirement, ce qui peut réduire les processus inflammatoires. Elles favorisent la proprioception, c’est-à-dire la conscience de la position du corps dans l’espace, offrant un socle de résistance et de sécurité. Sur le plan émotionnel, les asanas contribuent à un reconditionnement à l’effort et à une prise de confiance, brisant les cercles vicieux. Physiologiquement, la mise en mouvement par les postures stimule la sécrétion de dopamine(plaisir, motivation) et d’endorphines et d’enképhalines (anti-douleurs naturels), procurant une sensation agréable. Cela crée un « renforcement positif » qui encourage la répétition de la pratique. Les mouvements et étirements doux sont également bénéfiques pour le réseau des fascias, ces tissus conjonctifs qui traversent tout le corps et influencent la douleur.
  2. Les Respirations (Pranayama) : Maîtriser le Souffle pour Apaiser le Système Nerveux Le contrôle du souffle est un outil puissant pour équilibrer le SNA, favorisant le système parasympathique et apaisant le système sympathique. Des études démontrent que le pranayama réduit le stress (diminution du cortisol), abaisse la pression artérielle, améliore l’utilisation de l’oxygène par les cellules et réduit les radicaux libres (stress oxydatif). La respiration yogique diminue la fréquence respiratoire et peut même moduler les émotions. Des techniques comme la respiration alternée (Anulom Vilom ou Eka Nadi Sodhana Pranayama) réduisent le débit d’air et allongent naturellement l’inspiration et l’expiration, induisant une tranquillité propice à la méditation. Le soupir cyclique (5 min/jour) a été montré pour réduire le stress et améliorer l’humeur. Le nerf vague, dont l’acétylcholine est le neurotransmetteur clé, joue un grand rôle anti-inflammatoire en inhibant la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. Le pranayama stimule le parasympathique via ce nerf.
  3. La Méditation et la Relaxation : Conscience et Détachement Ces pratiques, souvent confondues avec le Yoga Nidra, augmentent l’intéroception (perception des sensations internes du corps). Elles augmentent l’activité du cortex préfrontal gauche, ce qui est associé à une amélioration de l’humeur et du sentiment de joie. La méditation et la relaxation favorisent des états de conscience caractérisés par les ondes alpha (détente consciente) et thêta(rêve, créativité, intuition, Yoga Nidra), et même delta (sommeil profond, relaxation très profonde). Elles permettent d’observer les pensées sans s’y attacher, de cultiver la patience et de renforcer la confiance en soi. La méditation augmente le tonus vagal et module la sécrétion de neurotransmetteurs comme la dopamine, les endorphines, la sérotonine et l’ocytocine, contribuant à réduire le stress et l’anxiété. De plus, la méditation, comme d’autres pratiques de yoga, peut influencer l’épigénétique (modifications de l’expression des gènes sans altération de la séquence d’ADN), qui est réversible.
  4. Les Bandhas : Ligatures Énergétiques Ces contractions musculaires volontaires (Jalandhara à la gorge, Uddiyana à l’abdomen, Mula au périnée), associées aux suspensions de souffle, ont un effet de détente en diminuant la fréquence cardiaque et en stimulant le système parasympathique, notamment le nerf vague.
  5. Neuroplasticité et NGF : Réparer et Apprendre Les pratiques de yoga, même brèves (20 minutes), peuvent augmenter significativement le Facteur de Croissance Nerveuse (NGF), une protéine essentielle à la survie et au développement des cellules nerveuses. Le NGF joue un rôle crucial dans la neuroplasticité (capacité du cerveau à se modifier en formant de nouvelles connexions neuronales) et la capacité d’apprentissage, ce qui est fondamental dans la gestion de la douleur chronique.
  6. Sons et Mantras : Vibration et Harmonie L’utilisation de sons, de musiques ou de mantras (comme OM ou SO HAM) est un outil additionnel en yogathérapie. Les sons en Sanskrit sont considérés comme des vibrations ayant une influence sur la physiologie et peuvent aider à traverser les limitations du mental, favorisant une attitude non mentale.

L’indispensable soutien de l’alimentation
Pour que le corps puisse synthétiser efficacement les neurotransmetteurs et maintenir un état anti-inflammatoire, une alimentation équilibrée est primordiale.

Un chemin vers le bien-être durable
Le yoga thérapeutique, en intégrant le mouvement, la respiration et la méditation, offre une approche complète pour moduler la douleur chronique et favoriser un équilibre neurologique optimal. En agissant sur la sécrétion des neurotransmetteurs, en équilibrant le système nerveux autonome, et en renforçant la capacité du cerveau à se remodeler (neuroplasticité), le yoga ne se contente pas de soulager les symptômes, il vise à rétablir une harmonie profonde entre le corps et l’esprit. Couplé à une alimentation fonctionnelle qui fournit les « briques » nécessaires à ces processus biochimiques, il permet d’accroître la capacité à percevoir la joie et à gérer les perceptions du spectre émotionnel, transformant ainsi l’expérience de la douleur en un chemin vers une conscience accrue et un bien-être durable.

Fascinants facias

Les Fascias : Un Réseau Méconnu au Cœur de Notre Santé

Les fascias, ces tissus conjonctifs omniprésents dans notre corps, ont longtemps été ignorés et sous-estimés. Pourtant, ils jouent un rôle central dans notre santé et notre bien-être. Pesant environ une vingtaine de kilos chez un adulte, les fascias enveloppent nos muscles, nos tendons et nos organes, soutenant ainsi notre structure corporelle.

Découvertes Récentes et Rôle des Fascias

Les recherches récentes ont révélé que les fascias forment un réseau continu et interconnecté, reliant différentes parties du corps. Par exemple, une inflammation du fascia plantaire peut être traitée en travaillant sur d’autres parties du corps comme les muscles ischio-jambiers ou la nuque. Les fascias sont donc interconnectés et les douleurs peuvent souvent avoir une origine éloignée de leur manifestation.

Les Fascias et le Mal de Dos

Le mal de dos, l’une des affections les plus répandues, pourrait trouver son origine dans les fascias. Des études montrent que les fascias thoraco-lombaires, en particulier, jouent un rôle crucial dans les douleurs dorsales. Des expériences ont démontré que les fascias sont capables de transmettre des forces mécaniques à travers le corps, confirmant ainsi leur interconnectivité.

L’Importance de l’Activité Physique

L’activité physique est essentielle pour maintenir la santé des fascias. L’immobilisation et la sédentarité peuvent entraîner une prolifération des structures conjonctives et une perte fonctionnelle. Des études ont montré que l’étirement et l’activité physique peuvent améliorer la mobilité et réduire les douleurs en stimulant la production de collagène et d’acide hyaluronique, essentiels pour la souplesse et l’hydratation des fascias.

Les Fascias et le Stress

Le stress émotionnel peut également affecter les fascias. Des recherches ont révélé que le stress active le système nerveux sympathique, qui libère des substances provoquant la contraction des vaisseaux sanguins dans les fascias. Cela peut entraîner des douleurs et des tensions, notamment dans le dos. Des thérapies comme l’acupuncture et les étirements peuvent aider à détendre les fascias et à soulager ces douleurs.

Yoga et Fascias

La pratique du yoga est particulièrement bénéfique pour les fascias. En variant les angles des articulations, la vitesse des mouvements et en jouant avec les déséquilibres et les variations dans les postures, on peut stimuler les fascias de manière multidirectionnelle et multidimensionnelle. Il est conseillé d’alterner les styles de yoga régulièrement pour varier les bienfaits de chaque pratique. Par exemple, le Yin Yoga est intéressant pour l’étirement passif des fascias.

Prendre Soin des Fascias

Une alimentation saine et une hydratation suffisante sont cruciales pour la santé des fascias. Les fascias, composés à plus de 68 % d’eau, nécessitent une hydratation adéquate pour rester fluides et dynamiques. Une déshydratation peut altérer leurs qualités élastiques et provoquer des douleurs diffuses et des blessures.

En plus d’une bonne hydratation, quelques séances de thérapies manuelles comme l’ostéopathie, le Rolfing, ou une pratique régulière du yoga permettent aux fascias de se régénérer. Les auto-massages avec un rouleau ou une balle de tennis sont également recommandés pour réduire les adhérences dans les tissus et décongestionner les fascias. Les bains dérivatifs de la méthode France Guillain, qui consistent à rafraîchir les plis inguinaux et le périnée, aident également à drainer les fascias.

Perspectives Thérapeutiques

Les fascias ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement des douleurs chroniques. Des méthodes comme l’acupuncture, la yogathérapie, les étirements et les massages peuvent contribuer à détendre les tissus conjonctifs et à soulager les douleurs.

Conclusion

Les fascias, longtemps négligés, sont désormais reconnus comme un élément clé de notre santé. Leur étude ouvre de nouvelles voies pour comprendre et traiter les douleurs chroniques, notamment le mal de dos. En intégrant des pratiques comme l’activité physique, une alimentation saine, une hydratation suffisante, nous pouvons améliorer notre bien-être et prévenir les douleurs liées aux fascias.

Pour ceux qui pratiquent le yoga, comprendre le rôle des fascias peut enrichir leur pratique. Les postures de yoga, en étirant et en stimulant les fascias, peuvent contribuer à maintenir leur souplesse et leur santé, favorisant ainsi un bien-être global.

Voici une belle illustration du sujet :

Et une autre ici: